Nous vivons dans un environnement parsemé de molécules (naturelles ou de synthèse). C’est vrai pour les molécules utilisées lors des traitements phytosanitaires sur les produits agricoles, mais c’est vrai aussi pour :
- Les traces de produits utilisés pour la vaisselle
- Les molécules présentes dans l’eau par contamination des nappes phréatiques (par herbicides, engrais ou autre polluant), mais aussi par contamination par contact avec les tuyaux de cuivre (pas forcément innocents), les tuyaux PVC d’avant 1980, ou les vieux tuyaux en fonte.
- Les molécules odorantes qui pénètrent par la muqueuse des narines : parfum diffusés, huiles essentielles, désodorisants, cires ou autres produits parfumés
- Les molécules volatiles qui sont utilisées en solvants dans les peintures, revêtements sols ou murs, matières plastiques, dissolvants, essences…
- L’aluminium de nos casseroles est soupçonné aussi, ainsi que celui contenu dans les désodorisants corporels.
- Les molécules qui migrent des emballages ou des contenants en papiers ou plastiques, les encres.
- Les molécules contenues dans les shampoings, savons, rouge à lèvres, crèmes, laques, teintures et onguents divers dont les composants traversent la peau.
- Les insecticides utilisés en vaporisation, en contact (anti pou ou anti moustiques)
- Les molécules prises volontairement avec les médicaments mais dont les effets ne sont pas tous connus.
- Les molécules inhalées lorsque l’on fume une cigarette ou autre chose.
Nous le voyons, nous sommes cernés. Ces molécules sont plus ou moins stables dans le temps et finissent souvent dans notre organisme ou nos rivières.
Peut-on s’en passer ? Nous voyons aisément que cela serait difficile. Est-on sûr que le nouveau matériau utilisé pour les canalisations d’eau potable ne sera pas décrié dans quelques décennies ? Et si l’on supprime les tuyaux et que l’on revient aux puits, est ce que ce sera plus hygiénique ?
Cependant, chaque contaminant évoqué n’a pas le même risque sur la santé. Le problème est que l’évaluation du risque est difficile et nous nous focalisons sur tel ou tel risque en fonction des modes médiatiques. La relation polluants-risque sur la santé n’est en général pas nette et souvent passionnelle.
Concernant les traitements phytosanitaires de la vigne :
Au niveau de la pollution atmosphérique diffuse provoquée par la pulvérisation :
Les molécules les plus dangereuses ont été interdite. C’était souvent des insecticides. Les accidents révélés ne sont à noter que lors d’expositions particulièrement intenses, dans des contextes particuliers ou lors de manipulations erronées.
Je voudrais faire état de l’étude Agrican disponible sur internet en écrivant « agrican » sur un moteur de recherche. Cette étude a été faite sur une cohorte de 180 000 personnes affiliées à la MSA, donc agriculteurs ou salariés agricoles. Le risque d’avoir un cancer est diminué de 30% pour les hommes et de 24% pour les femmes. Et ceci, sur une population d’âge moyen de 64 ans, qui a donc été exposés aux produits phytosanitaires à une époque où on ne se préoccupait pas de la dangerosité des produits. Les produits étaient plus dangereux qu’aujourd’hui et on ne mettait pas de système de protection lors de l’application.
Si cela n’enlève pas la dangerosité des produits épandus, cela relativise le danger.
Au niveau de la pollution des sols et des rivières :
Sauf pour le cuivre, les molécules les plus stables (atrazine, simazine, diuron, aminotriazol) ou dangereuses (diquat, paraquat) ont été interdites. Certaines pollutions comme le taux d’azote ou la présence d’atrazine seront longue à disparaitre.
La viticulture n’est pas concernée par ces pollutions car nous utilisons peu d’engrais azotés et l’atrazine a toujours été interdite sur vigne. Le débat sur le glyphosate (round up) et ses produits de dégradation n’est pas net et contradictoire. La viticulture s’adapte en désherbant de moins en moins de surface et en utilisant des produits le moins rémanent possible.
Au niveau du consommateur :
Le consommateur est relativement bien protégé. L’administration (européenne) détermine une » dose maximale sans effet » en expérimentant la molécule sur animal ou sur l’homme. On divise cette dose par 100 ou par 1000 si les effets induits sont cancérigènes. Une fois cette division de précaution faite, on détermine une « dose journalière admissible » pour une personne de 60 kg. Puis en regardant ce qu’un individu peut consommer dans son alimentation avec des doses maximum de résidus, on en conclut une limite maximale de résidu sur l’aliment (LMR).
Cette LMR existe sur chaque produit de consommation non transformé. Il n’y a pas de LMR pour le vin car c’est un produit transformé. Il y a toujours plus de molécules sur le raisin que dans le vin car au moment de la vinification, certaines molécules se fixent sur les levures et sont éliminées avec les lies. Si certaines molécules se retrouvent dans les vins, elles sont toutes bien en dessous de ces LMR.
Les techniques d’analyses évoluent rapidement. Nous sommes capables de trouver des traces de plus en plus faibles de certaines molécules. Encore faut-il les chercher (les mouillants ou autres adjuvants sont rarement recherchés), que les échantillons à analyser soient pris sans apport extérieur possible et que le laboratoire soit fiable (le même échantillon donne régulièrement des résultats contradictoires. Ce sont des techniques qui demandent extrêmement de rigueur et beaucoup de laboratoires vendent cher des analyses peu fiables.
Ces analyses et ces prises de conscience nous incitent à travailler le plus intelligemment possible, en utilisant le moins possible de produits de traitement, en diminuant les doses, en choisissant des produits les moins dangereux dans l’état actuel de nos connaissances, en appliquant ces produits avec des techniques qui limitent la pollution diffuse.
Les viticulteurs sont conscients de ces risques, en tant qu’agriculteur, en tant que parent, en tant que consommateur, en tant que résident et en tant que citoyen.
Stéphane Savigneux , viticulteur